Une artère commerciale foisonnante d’histoire

Bernard Brousse nous livre un « autre » regard sur la Grande Rue de Sens. Historien local très investi dans « sa » ville natale ;  le président de l’Office de tourisme de la Cité de Brennus, est intarissable sur le sujet. Il nous révèle quelques trésors cachés de « sa » localité de cœur. Suivez le guide et levez la tête pour redécouvrir et admirer les superbes maisons à pans de bois qui donnent du cachet à cette artère commerçante par excellence…

« La Grande rue est une voie très ancienne. C’était l’axe principal orienté Est-Ouest de la ville fermée (avec ses murailles de la fin du IIIe siècle). Elle a gardé sa structure romaine avec ses rues se croisant à angle droit. Elle s’étirait sur 1 kilomètre de long. Après la Libération  en 1944, la partie Est de cette voie a été rebaptisée rue des Déportés et de la Résistance… » explique Bernard Brousse. Celle-ci démarre en direction du centre-ville juste à proximité de la borne n°5 du circuit découverte de la Cité de Brennus (*) : « Sens est une ville de confluence entre Yonne et Vanne. Nous sommes à l’entrée Ouest de la ville et il y avait ici une grande porte démolie au XVIIIe siècle  par laquelle pénétraient les rois de France (Louis IX, Charles IX, Louis XIV…). Par contre, les archevêques arrivaient par la porte Est, au bout de la rue Thénard… » précise le guide. Un super donjon, nommé la « Grosse tour », dominait ce quartier de l’Yonne : « L’activité prédominante était liée au transport fluvial (matériaux, marchandises, vin…) et les « coches d’eau » (mode  de transport en commun sur l’eau), étaient nombreux jusqu’au début du XIXe siècle. Il y avait aussi beaucoup de pêcheurs, de restaurants, d’auberges… ».

Des chameaux en cadeau

Le croisement avec  la rue de la Petite Juiverie, rappelle que la communauté juive était très importante jusqu’au XIVe siècle. « Des ruelles mènent à des cours comme celle de la Cloche » assure l’historien local. Et d’apporter une précision sur le plan architectural : « Au XVIIIe siècle, la brique a remplacé le bois… ». Au 45, le bâtiment était celui de l’hôtel de la Banque de France (XIXe siècle). Il accueille aujourd’hui le restaurant du Clos des Jacobins qui tire son nom de l’ancien couvent des Jacobins. à cet emplacement, alors l’hôtellerie (réputée) de la Levrette, un prince oriental, a offert six chameaux à François 1er en 1537… » relate Bernard Brousse. Et d’ajouter : « Cette rue voyait passer un nombre conséquent de voyageurs qui arrivaient par l’Yonne puis par le train. La gare a été inaugurée en 1849 par Louis-Napoléon Bonaparte, alors président de la République… ». Bernard Brousse montre ensuite la ruelle des Jacobins, autre nom de l’Ordre religieux des Dominicains ou Frère prêcheurs, qui conduisait à  un vaste couvent  dont l’emprise s’étendait jusque dans la rue Charles Leclerc : « Les fenêtres du réfectoire ont été vendues et sont de nos jours au Musée des Cloîtres, qui fait partie du Metropolitan Museum de New-York (USA) ». C’est dans cette voie piétonnière, au 54, qu’habitait Marie Gerhard (1835 – 1910), gouvernante de la maison Libera des Presles. En 1862, le poète Stéphane Mallarmé (1842 – 1898), est tombé amoureux de la belle. Il l’épousera en 1863 et deviendra professeur d’anglais. Au carrefour de la rue André Gâteau, les passants n’imaginent pas que l’ancienne (belle) maison de Gonthier Col, secrétaire du roi Charles VI,  est pourvue d’une salle souterraine ressemblant à celle de la Poterne et au rez-de-chaussée du Palais synodal.

Quelques symboles de la Franc-Maçonnerie

Au 96, une plaque sur cette jolie maison à pans de bois du XVIe siècle, évoque l’ancien « Hostel du compasseur ». Ce terme remonte au XIIe siècle, temps des cathédrales. Il désignait celui qui traçait, à l’aide d’un compas, les éléments d’architecture sur les pierres. Au 98, l’ancienne habitation de l’imprimeur-libraire Ismaël Poulain, attire un œil averti car sur la grille du balcon figure toujours la multiplication des trois points inscrits dans des triangles, symbole de la franc-maçonnerie… Située au 102, la maison natale des Tarbé – imprimeurs du roi et de l’archevêque – mérite aussi le coup d’œil. L’aîné des fils de cette brillante famille,  Louis Hardouin, est devenu Ministre des finances de Louis XVI… La visite se termine  à l’angle de la rue de la République qui a fait l’objet de beaucoup de transformations au XVIIIe siècle. Après un passage devant l’ancienne Poste, à l’angle de la rue Rigault (actuel Tabac-Journaux), où il est encore possible de reconnaître le « logo » de la poste, le caducée de Mercure, le messager des dieux…

Retrouvez vos commerçants ouverts ce lundi

De par sa situation centrale, la rue piétonne a une vocation commerçante depuis qu’elle existe. Les enseignes, pas de porte, boutiques et magasins… se sont succédé au fil des époques et à ce jour, il y en a encore près de 90… dont une usine (Brosserie Brun). Datant du XVIe siècle, les maisons à pans de bois, avec gouttière ou pignon sur rue, sont au nombre de 34 (visibles) !

(*) – Chef gaulois du peuple des Sénons.

rue commerçante sens

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