Après dix jours de confinement, devant l’affluence désordonnée dans les marchés ouverts (notamment des plus grandes villes), le gouvernement a ordonné leur fermeture, laissant cependant la possibilité aux maires « sur le terrain » d’en décider autrement et de demander une dérogation aux préfets pour maintenir l’ouverture des marchés couverts si ces mêmes maires jugeaient la chose faisable dans le respect des mesures de sécurité exigées par le confinement, notamment pour préserver la vie économique de notre pays. Cette confiance accordée aux autorités locales est d’abord apparue comme l’un des rares éclairs de sagesse de la part d’un gouvernement dépassé par les événements depuis des semaines. Mais encore fallait-il que les préfets accordassent aux maires cette même confiance…

Parfaitement conscient de la responsabilité qui est la vôtre et de la difficulté extrême et inédite de la situation dans laquelle nous nous trouvons tous, je me permets donc de vous écrire, avec tout le respect que je dois à votre fonction, pour interroger votre rejet de la demande de notre maire Marie-Louise Fort de maintenir ouvert notre marché couvert du centre-ville de Sens.

La demande de notre maire était absolument responsable et légitime.
Votre rejet est exactement le contraire.

Faute de pouvoir faire les courses dans cette vaste halle à deux étages (dont seul le rez-de-chaussée est utilisé) et dont les commerçants sont des maraîchers de la région qui proposent des produits issus d’une agriculture locale et raisonnée, des artisans et des petits entrepreneurs, tous force vive de l’économie locale, trop nombreuses sont les personnes (notamment âgées, handicapées, et/ou non-véhiculées) qui se voient désormais contraintes de faire leurs courses dans des petites (ou grandes) surfaces (dont je ne nie pas par ailleurs l’utilité), mais où l’air conditionné est vicié, les rayonnages souvent extrêmement étroits et la distribution des produits manutentionnés par une chaîne de personnes innombrables, ce qui augmente bien évidemment les risques de contamination des produits et de leurs emballages.

Notre marché couvert à Sens, ouvert quatre fois par semaine, obéissait aux mesures strictes mises en place par Madame le Maire dès le début du confinement (à savoir l’entrée au compte-goutte des clients dans la halle par une seule entrée surveillée par des agents de sécurité pour y maintenir le nombre autorisé de personnes présentes en même temps au sein de cet immense espace bien aéré, avec deux files d’attente sur la place de la Cathédrale respectant rigoureusement le mètre cinquante de distanciation entre chaque personne, afin de permettre à chacun de faire ses courses sans jamais avoir aucunement à faire la queue à aucun étalage ni jamais contrevenir à la règle de distanciation actuellement en vigueur). Ces mesures constituaient tout simplement la seule proposition cohérente et responsable, non seulement pour permettre à chacun de continuer à faire ses courses sans risque de promiscuité dans un grand espace naturellement aéré et de s’alimenter sainement, mais aussi pour sauvegarder une partie de la santé économique de notre région.

La précarisation dramatique de tous les commerçants, artisans et entrepreneurs que va entraîner la fermeture de notre marché pendant encore trois semaines et sans doute plus, et la majoration inacceptable des risques de contamination par l’affluence d’autant plus grande dans ces petites et grandes surfaces nécessairement de plus en plus engorgées, sont les seules conséquences de votre rejet de la demande du Maire de Sens.

Votre décision de fermer notre marché couvert obéit certes à l’application de la loi, mais dans la plus parfaite ignorance de la réalité spécifique à laquelle elle est appelée à être adaptée. Or qu’est-ce que gouverner sinon cela précisément : appliquer la loi en intelligence de la situation, c’est-à-dire en connaissance du terrain.

Votre décision ne va sauver la vie de personne.

Votre décision va seulement rendre la vie de tous à Sens et dans notre commune plus difficile et plus risquée, à court et à long terme.

Notre maire connaît bien sa ville, sa commune et ses administrés.

Et vous, Monsieur le Préfet ?

En vous remerciant pour votre attention, je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, mes salutations désemparées.

François Rostain, habitant de Sens

Crédit photo : L’indépendant de l’Yonne, Votre journal du Nord de l’Yonne, en kiosque chaque semaine ou sur le lien ci-avant.

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