Hubert Reeves, astrophysicien de renom ; ancien conseiller scientifique à la NASA et directeur de recherches au CNRS ; Il anime de nombreuses conférences ; il est également l’auteur de multiples ouvrages. Le scientifique ne cache pas sa fascination pour l’existence de la vie dans un Univers composé de centaines de milliards de galaxies. En évoquant ce sujet, il parle de nous et de notre quotidien.

YET/ Vous qui mesurez combien l’humain est insignifiant dans l’Univers, pourquoi le trouve-t-on au centre de vos préoccupations ?

H.R./ Comme tout le monde, j’entends les mauvaises nouvelles sur l’écologie et la pollution ; j’ai des enfants et des petits enfants et je m’inquiète de savoir comment sera la vie sur cette planète dans 50 ans. On apprend pratiquement tous les jours une mauvaise nouvelle sur la destruction de la biodiversité. Il faut réagir rapidement car on parle de menaces qui pourraient se réaliser d’ici quelques décennies. Et moi je ne serai plus là probablement ; ces menaces ne sont pas sur des millions d’années comme en astronomie mais pour des périodes qui s’observent à l’échelle humaine. C’est pour cela qu’il est urgent de s’en occuper.

YET/ En chaque humain, une minuscule goutte d’eau à l’égard de l’humanité. Agir individuellement a-t-il vraiment du sens et par quoi commence-t-on ?

H.R./Le plus important est d’être informé, d’avoir une bonne estimation des dangers, de vérifier par soi-même que l’on est vraiment  face à ces tendances. Je m’intéresse à l’écologie pour vérifier que ces menaces sont bien réelles que ce n’est pas de l’alarmisme injustifié.

Les choses à faire, on les connaît ; il nous faut préalablement vérifier que l’on a les bonnes pratiques. Il y a un petit livre que l’on trouve dans toutes les bonnes librairies qui s’appelle « 50 gestes pour la Terre ». Tout le monde les connaît mais détenir un savoir et en tenir compte dans son quotidien, ce sont deux choses différentes.

Aujourd’hui, on a lieu d’être militant sachant que nous sommes grandement menacés. Une enquête sortie ces derniers jours nous montre que l’érosion de la biodiversité est plus rapide qu’on le prévoyait. La disparition des espèces animales va se précipiter. Je dirais même que l’on est presque sur un pied de guerre sur ce plan car nous dépendons de cette biodiversité, des vers de terre, des abeilles, des insectes qui pollinisent. Et pourtant, nous les détruisons de plus en plus rapidement.

En synthèse, la première chose, pour chacun de nous, est de comprendre et ensuite d’adopter une attitude qui participe au maintien de  cette biodiversité.

YET/ Du fait de votre expérience internationale et de votre rigueur scientifique, les politiques ou les grands acteurs économiques vous écoutent-ils ?

H.R./ Pas autant qu’on voudrait mais, en tous cas, de plus en plus. Il y a un progrès à tous les niveaux sur la prise de conscience et les réactions qui se font lors de conférences, dans les mairies qui refusent les pesticides. C’est quelque-chose qui est de plus en plus présent et ce message passe de mieux en mieux.

YET/ Est-ce qu’il passe assez vite ?

H.R./ C’est une autre question. On est dans une course entre une détérioration qui s’accélère et une amélioration qui également croît en vitesse. Et personne ne sait qui va gagner et ce que sera notre planète dans 30 ans.

YET/ Dans 30 ans ?

H.R./ C’est un ordre de grandeur ! 30 ans ou 50 ans, ce n’est pas grand-chose quand on songe que l’humanité a déjà 200 000 ans. Vous voyez qu’il y a vraiment urgence à l’échelle même de la vie de l’humanité.

YET/ Quel lien entretenez-vous avec l’Yonne et en quoi ce territoire vous séduit, vous ressource ?

H.R./ C’est un endroit que j’adore. Nous vivons dans un petit village icaunais et nous sommes ici depuis 40 ans. C’est un lieu qui est très important pour moi. Je le retrouve chaque année au début du printemps avec le plus grand plaisir. Je vois les beautés qui nous entourent et je sens qu’elles sont menacées. Il y a une espèce de mélancolie quand je reviens. Car je mesure les menaces sur les fleurs sauvages, les insectes, les papillons. Quand nous sommes arrivés ici, nous avions beaucoup de papillons, beaucoup d’insectes et aujourd’hui, on n’en voit presque plus. On se rend compte qu’il ne s’agit pas de vaines menaces. On voit, de nos yeux, la raréfaction de ces fleurs sauvages, de ces oiseaux. On avait beaucoup d’hirondelles, on n’en voit presque plus. Nous sommes dans une ambiance catastrophique.

YET/ Depuis 40 ans vous voyez donc l’Yonne se détruire dans la même tendance que la planète ?

H.R./ Absolument ! J’ai l’impression de le subir.

YET/ On comprend votre attachement militant au territoire. Mais pouvez-vous nous dire pourquoi avez-vous accepté d’être le parrain de l’association Cap Saint-Martin, cela depuis plusieurs années ? Seriez-vous sensible à la bienveillance et l’humanité des membres dans l’accompagnement des personnes frappées par le cancer ? Pensez-vous que cet engagement puisse participer à des rémissions ?

H.R./ C’est une manifestation de compassion pour la souffrance humaine que je trouve tout à fait admirable et magnifique. Je fais ce que je peux pour les aider, bien sûr ! Je sais qu’ils donnent du bonheur à des gens qui sont dans le malheur. Je ne suis pas qualifié pour vous dire si cela les aide à vivre plus longtemps mais cela les aide à vivre et c’est déjà énorme. Je suis sensible à l’action dans le présent, celle de soulager l’instant et d’adoucir cette période de malheur.

Au travers de cette association ou en dehors, on voit combien chacun d’entre nous à le pouvoir de changer les choses dès lors qu’il s’engage vraiment ; c’est un sourire rendu à celui qui souffre, un papillon qui se reproduit dans un écosystème préservé : C’est la vie des hommes pérennisée.

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